S’il s’inspire officieusement de la version radiophonique de
La Guerre des Mondes,
Le Jour où la Terre s’arrêta s’impose clairement comme
le précurseur de la science-fiction des deux décennies suivantes. De fait, avec ses extraterrestres d’apparence robotique, son survol des capitales mondiales par des vaisseaux spatiaux, son opposition entre science et armée, le film de
Robert Wise aura largement influencé des œuvres telles que
Les Soucoupes Volantes Attaquent !,
La Guerre des Mondes (logique revers de médaille),
L’Invasion des Profanateurs de Sépulture, ainsi que toutes les petites séries B ayant joué la carte des visiteurs extraterrestres apportant un message ― tantôt pacifique tantôt belliqueux ― aux Terriens.
Comme tout précurseur,
Le Jour où la Terre s’arrêta introduit aussi de nombreux défauts que ses successeurs se sont empressés de cloner, au grand dam du spectateur. Ainsi, le scénario d’
Edmund North accuse un ventre mou, étalant des échanges verbaux poussifs durant une heure entière (la découverte par Klaatu du quotidien des Terriens), dont les maigres rebondissements (la libération de Gort… et c’est tout !) ne permettent pas de raviver l’intérêt du public. En outre, les rides du métrage sont aujourd’hui palpables. Difficile en effet de ne pas sourire face à ces costumes et décors rétrofuturistes fâcheusement ridicules, ce jeu d’acteurs (et d’actrices surtout) surfait, ces réflexions très convenues sur la guerre ― encore imprégnées des exactions nazies et de la Bombe Atomique.
Malgré cette évidente obsolescence, le charme continue bel et bien à opérer. Un charme que l’on doit à une poignée de séquences cultes : l’arrivée des extraterrestres, les attaques de Gort. Mais aussi à la mise en scène parfaitement calibrée de
Robert Wise, à des effets spéciaux certes désuets mais qui demeurent admirables — bien qu’ils ne puissent en aucun cas être comparés aux exploits que
Ray Harryhausen réalisera 5 ans plus tard dans
Earth vs. The Flying Saucers. En outre, force est de reconnaître un récit qui gère ses protagonistes de manière étonnante (le monde n’est pas sauvé par un homme extraordinaire mais par un enfant et une ménagère des plus communs), qui minimise la place de l’armée au profit de la science et de la non-violence, qui s’intéresse davantage aux petites gens — fermiers, mécaniciens, ouvriers, communautés immigrées… — qu’aux grands bourgeois (simple stratégie marketing ou véritable préoccupation populiste ? Difficile à dire…).
En revanche, mieux vaut rester vigilant à l’égard du discours final de Klaatu, menaçant de faire exploser la Terre si les humains n’arrêtent pas de se faire la guerre. Derrière ses vertus pacifiques, cette mise en garde vise surtout à rappeler que les Etats-Unis sont la première puissance mondiale et qu’ils peuvent désormais décider du sort de tout un peuple selon leur unique volonté (comme ils ont secouru la France et anéanti le Japon). Rien de très surprenant à l’horizon, en somme, juste un brin d’idéologie nord-américaine, simplement mieux dissimulée que les messages de ses successeurs…
En définitive, si
Robert Wise a marqué le paysage du cinéma de genre à tout jamais avec
Le Jour où la Terre s’arrêta, force est de constater que l’efficacité de son œuvre en a pris un coup et que le poids des ans aura finalement eu raison d’elle.
The Day the Earth Stood Still est aujourd’hui une pièce de collection, libre à vous de l’admirer ou de la reléguer parmi les archives.