Invasion Los Angeles
(They Live) – 1988 Réalisé par
John CarpenterÉcrit par
Frank ArmitageD’après la nouvelle de
Ray Nelson (
Eight O’Clock in the Morning)
Musique de
John Carpenter & Alan HowarthAvec
Roddy Piper, Keith David, Meg Foster, George Flower, Peter Jason, Raymond St. JacquesÀ mi-chemin entre
New York 1997 et
The Thing,
John Carpenter signe une œuvre dont la forme a considérablement vieilli mais dont le fond est demeuré intact. Jamais
Carpenter n’aura, à ma connaissance, déposé critique plus virulente à l’égard de la société de consommation, qu’au travers de
They Live, alias
Invasion Los Angeles (titre francophone ridicule et grossier). Pour faire court, Nada est un être vivant en marge de la société. Il vagabonde ici et là, trouve du travail au jour le jour. Jusqu’à tomber sur une secte de fanatiques à laquelle il dérobe une paire de lunettes, lui faisant dès lors voir le monde tel qu’il est vraiment : envahi, contrôlé et manipulé par les Extraterrestres. Le concept évoque avec douceur la SF des années 50 (d’ailleurs, le fait que
Carpenter ait choisi de nous montrer la « vraie » vision du monde en Noir & Blanc ne me semble pas anodin…) mais la satire sociale conserve son plein impact par sa modernité et son culot. La Télévision n’est ainsi que le moyen privilégié des aliens pour influencer la populace. La publicité ne sert qu’à transmettre des messages subliminaux que seul l’Inconscient détecte («
Obey », «
Submit », «
Buy », «
Consume »). Et les dirigeants de ce monde, extraterrestres ou humains, ont pour seul dessein d’enrichir les plus riches et d’éliminer les plus démunis, n’hésitant pas à employer la force pour s’en débarrasser. Autant dire que
Frank Armitage (alias
John Carpenter, soit dit en passant) n’y va pas avec des pincettes et que le message (profondément anti-capitaliste) se saisit et saisit d’entrée de jeu.
Bien que le scénario abordé (ou plutôt le pamphlet) et la bande-son rock (un tantinet datée mais toujours aussi prenante) portent indubitablement le sceau du sieur
Carpenter, ce dernier se montre plus discret en matière de réalisation. Via cette mise en scène souvent douteuse (où les personnages manquent de cohérence dans leurs agissements et leur discours), cette tenue de caméra majoritairement plate, ces combats sur-chorégraphiés, inutilement longs et ressemblant plus à une partie de catch qu’à un duel de rue, et ces échanges de coups de feu vieillots, sans saveur, juste bons à faire du bruit ; difficile de penser que le père d’
Halloween se trouve derrière la caméra. Et le casting qu’il s’époumone à filmer ne lui sera, à vrai dire, d’aucun renfort, malgré une performance fort respectable de la part de
Keith David.
Roddy Piper exagère chacune de ses expressions, en fait des tonnes en permanence, et ce, même au moment de crever ! Quant à
Meg Foster, impossible de déterminer si c’est le look ou le jeu qui lui fait principalement défaut. Quoiqu’il en soit, l’actrice ne convainc pas plus que son homologue masculin. Même les figurants sont mauvais et ternissent plus l’image qu’ils ne l’embellissent. Le tout agrémenté, bien entendu, d’un doublage français calamiteux.
Une forme désuète, en somme, mais que le fond retentissant parvient à supplanter. Si le divertissement en prend un coup, l’ébahissement reste neuf face à cette critique socio-politique nerveuse. Avec un ancrage dans les années 80 moins marqué et une réalisation plus peaufinée, plus personnalisée, plus créative,
They Live aurait pu fréquenter la galerie des chefs-d’œuvre de
John Carpenter. Pour l’heure,
Invasion Los Angeles se veut un honorable film de SF, démodé mais inoubliable et indispensable.
Note : 14/20