VIDEODROME (1982) Écrit & Réalisé par
David CronenbergMusique d’
Howard ShoreAvec
James Woods, Sonja Smits, Deborah Harry, Peter Dvorsky, Les Carlson, Jack Creley, Lynne Gorman«
L’écran de télévision est la rétine de l’œil de l’esprit. »
«
La télévision est la réalité ; et la réalité est moins que la télévision. »
Il paraît bien complexe de résumer
Videodrome tant cette œuvre bouleverse les poncifs du genre et repousse les limites du cinéma d’auteur. Plus qu’un film déjanté,
Videodrome constitue une expérience à part entière, une immersion dans l’univers torturé de
David Cronenberg – un milieu aussi fascinant que troublant. Débutant par une réflexion sur l’intérêt et la valeur de la pornographie, le métrage sombre bientôt dans les méandres du
snuff movie, du sadomasochisme et de la psychose, avant d’aboutir sur une fable métaphysique dans laquelle l’aliénation à la télévision réduit l’Homme à l’état de magnétoscope ambulant, engrangeant les informations tel une machine. Au-delà, chacun pourra y déceler les obsessions et délires d’un cinéaste tiraillé entre la folie et le génie, fortement influencé par les théories de
Sigmund Freud et de
Melanie Klein. De ce substitut de vagin, naissant sur le ventre du personnage principal, et avec lequel ce dernier effectue des gestes masturbatoires et d’auto-pénétration. À cette forme phallique et menaçante, émergeant de l’écran de télévision pour tirer sur Max et le libérer de l’emprise du Videodrome, ce programme clandestin provoquant hallucinations et tumeurs cérébrales chez celui ou celle qui le visionne. En passant par cette confusion permanente entre réalité et fiction, fantasme et cauchemar, douleur et plaisir ; conduisant le héros au meurtre et à l’autodestruction.
Un scénario comme seul
David Cronenberg sait les faire et qui nécessitait, par conséquent, un rendu visuel et un score de même acabit. Cliniques, froides, sans fioriture, introspectives, glauques, la réalisation et la bande-son de
Videodrome accentuent un peu plus le malaise et la sidération ressentis par le spectateur. Morceaux ronflants et silences pesants s’alternent avec brio. Chaque plan est minutieusement étudié, et se veut une nouvelle occasion de nous convier à des mouvements de caméra grandioses, une photographie somptueuse, des effets spéciaux n’ayant rien perdu de leur impact mais dont on distingue parfois les trucages. Car,
Cronenberg oblige,
Videodrome nous fait également part de scènes gore, malsaines, rebutantes, mais dépourvues de toute gratuité. Tête explosée à la chevrotine, fusion cutanée entre une main et une arme à feu, poitrine maculée de sang, VHS organiques, avant-bras rongé et transformé en grenade à retardement, peaux brûlées, implosion de cage thoracique, éclatement de crâne…
Cronenberg ne lésine pas sur les moyens et met ses acteurs à rude épreuve. Acteurs en complète osmose avec leurs personnages, soit dit en passant. Qu’il s’agisse de
James Woods (au jeu impeccable, sans fausse note), de
Deborah Harry (Nicki, la journaliste sadomaso), ou encore de
Les Carlson (Barry Convex, le « père » de Videodrome).
Mais, quoique l’on puisse avancer,
Videodrome est avant tout un métrage qui se vit et se ressent. Les mots ne suffisent pas pour décrire un tel monument cinématographique. Aussi bons soient ses autres métrages,
David Cronenberg dépose là son meilleur film. Sans aucun doute possible,
Videodrome est à retenir parmi les plus grands chefs-d’œuvre que le cinéma d’auteur ait connu.
Réalisation : 4.5/5
Histoire : 5/5
Acteurs : 4/5
Musique : 4.5/5Note : 18/20