- John Doggett a écrit:
- Mais, comme d’autres personnes l’ont dit, je ne comprends pas, pourquoi les vilains n’agissent pas comme dans leurs vidéos. Ça gâche vraiment le film, car on s’attend à voir le même genre de scènes. Mais non, ces chers vilains agissement différemment! Bizarre!
En quoi est-ce étrange ?
Les "Vilains" agissent différemment parce que les victimes agissent elles aussi différemment. Si les héros de l'histoire n'avaient pas fait preuve d'autant de perspicacité, il se serait déroulé le même genre de scènes, c'est évident.
MOTEL
(Vacancy – 2007)INTERDIT AUX MOINS DE 12 ANS Réalisé par
Nimrod AntalÉcrit par
Mark L. SmithMusique de
Paul HaslingerAvec
Kate Beckinsale, Luke Wilson, Frank Whaley, Etham Embry, Scott G. Anderson, David DotyNombreux sont les films d’horreur à jouer la carte du réalisme, très peu y arrivent sans verser à un moment ou un autre dans l’invraisemblance (
À L’Intérieur) ou la répétition (
The Strangers). C’est pourtant ce qu’ont réussi à faire
Nimrod Antal et
Mark L. Smith avec leur
Motel (alias
Vacancy), un thriller haletant qui déjoue habilement les poncifs et raccourcis habituels, pour ne laisser transparaître que des peurs simples et quotidiennes (voyeurisme, claustrophobie, harcèlement, peur du noir, etc.). On pourra toujours contester le fait que l’intrigue s’inspire largement du
Psychose d’
Alfred Hitchcock – tout comme le thème de
Paul Haslinger s’inspire de la partition-phare de
Bernard Hermann – mais force est de constater que scénariste, metteur en scène et compositeur livrent avant tout un hommage somptueux au métrage de 1960, sans oublier de conférer une identité propre à
Motel et son développement.
Ici, David et Amy se voient forcé de loger dans un motel pour une nuit. Après avoir découvert des cassettes vidéo compromettantes, ils comprennent que les gérants se livrent à un jeu de massacre avec les clients, filmant chacune de leurs exactions à l’aide de caméras dissimulées dans la chambre. Pas de Norman Bates schizophrène ni de mère meurtrière donc, le script de
Mark Smith s’appuie au contraire sur l’accroche de
Psychose pour mieux s’en éloigner. Outre un développement sans lieu commun du récit,
Motel jouit avant tout d’une galerie de personnages humains et touchants, logiques, cohérents dans leurs actes et réactions. Pas de grands ados décérébrés, obsédés par la débauche et la défonce ; mais des protagonistes en pleine crise conjugale, blessés par la mort brutale de leur enfant. Un couple qui réfléchit avant d’agir, préfère se méfier plutôt que se jeter dans la gueule du loup (contrairement à la majorité des films d’horreur !).
Des personnages, en somme, qui suscitent d’emblée empathie et identification, sans jamais tomber dans des travers dramatiques pathétiques et surenchéris, et dont les tentatives « héroïques » sont plus souvent punies que récompensées. À ce propos, si Amy emprunte le parcours somme toute assez classique des héroïnes de thriller, elle ne s’en sort pas non-plus indemne et elle ne parvient à ses fins qu’après un lot de souffrances. Même les personnages secondaires (le flic, en particulier) et les assaillants de l’histoire échappent aux stéréotypes de l’horreur. Humains eux aussi, les agresseurs (terrifiants derrière ce masque de fortune) commettent des erreurs, peuvent se laisser dépasser par les événements, sans pour autant agir illogiquement.
- Spoiler:
Et aucun d’eux ne révèle de lien de parenté abscons avec les victimes ni ne ressuscite miraculeusement dans le dernier acte, au nom d’un revirement final codifié. On regrettera seulement que Mark Smith n’ait pas appliqué ce choix au couple de l’histoire – la survie du mari atténuant la puissance de la conclusion.
Si la rigueur que
Mark Smith attribue au scénario et aux personnages apparaît remarquable, il convient aussi de saluer la performance des acteurs principaux. Alors qu’on pouvait les penser mal à l’aise dans un rôle non comique,
Luke Wilson et
Kate Beckinsale s’en sortent admirablement bien. Les deux acteurs se fondent discrètement dans la peau de leurs personnages et traduisent à la perfection les émotions qui les assaillent (aussi bien la peine que la détresse). Bien que plus effacés, les acteurs incarnant les gérants du motel évitent les faux pas (mention spéciale à
Frank Whaley) et la surenchère psychopathique que le spectateur doit habituellement se farcir.
Au final,
Motel surprend très agréablement son public. En premier lieu parce qu’il bénéficie d’un scénario sans cesse cohérent, simple mais jamais simpliste, et intelligemment ficelé (jusque dans ce final épatant, qui ne correspond ni à un happy-end ni à une fin tragique). Ensuite parce que l’aspect strictement technique ne trahit aucune maladresse (score prenant, photo exemplaire, tenue de caméra jamais branlante, mise en scène finement étudiée, préférant recourir à la suggestion qu’à la démonstration outrancière), en dépit d’un académisme certain. Pas de quoi révolutionner le cinéma de genre, mais un modèle d’efficacité qui nous rappelle que les films d’horreur sans cliché ni invraisemblance existent aussi.
NOTE : 15.5/20