MARTYRS
(2008) INTERDIT AUX MOINS DE 16 ANSÉcrit & Réalisé par
Pascal LaugierMusique d’
Alex & Willie CortésAvec
Morjana Alaoui, Mylène Jampanoï, Jessie Pham, Erika Scott, Patricia Tulasne, Catherine Béguin, Robert Toupin, Mike Chute, Gaëlle CohenMettons fin aux rumeurs d’entrée de jeu : non,
Martyrs ne constitue aucunement une « expérience » cinématographique et ne révolutionne ni le monde du film d’horreur ni le cinéma de genre français. À bien y regarder, la bande de
Pascal Laugier ne constitue qu’un thriller de moyenne facture, misant sur des effets-choc – qui fonctionnent rarement – pour pallier à un scénario des plus légers, dans lequel une jeune femme retrouve les bourreaux qui l’avait séquestrée et torturée lorsqu’elle était enfant. Même si, contrairement à ses prédécesseurs français,
Martyrs ne cherche pas à rendre ses séquences gore jouissives mais à les exposer de manière réaliste et dérangeante, force est de reconnaître que la soi-disant ultra violence dont le métrage regorge(rait) ne présente strictement aucune exclusivité.
À ce titre, l’œuvre évoque un peu trop les deux chapitres
Hostel (pour les sévices endurés par les victimes, le réseau de bourreaux issus de la haute société, ou encore l’ambiance tantôt étouffante tantôt glaciale dégagée par la photographie) et les productions d'obédience asiatique (
The Grudge en tête, pour la « créature humaine » dont Lucie est victime) pour imposer un brin de créativité en la matière. Mais surtout, à trop vouloir baigner dans le premier degré,
Pascal Laugier en oublie totalement de personnaliser et soigner sa mise en scène. En résulte une réalisation affreusement banale, qui ne parvient jamais à insuffler le moindre effroi dans des scènes qui se devraient d’être traumatisantes (hormis, peut-être, la courte séquence où la martyre se taillade les bras avec une scie…).
En conséquence, le public n’a d’autre choix que d’assister impassiblement à un enchaînement de trucages visuels, certes réussis mais dont on devine aisément la supercherie et auxquels on ne croit donc jamais. Ce qui est plutôt dommage dans la mesure où des passages tels que l’automutilation de Lucie, le dépeçage d’Anna, la « libération » de la martyre, auraient dû constituer des moments forts (et éprouvants) de l’histoire… En somme, même s’il jouit d’un scénario mieux ficelé,
Martyrs ne s’avère pas plus abouti que
Frontière(s) ou
Haute Tension. D’autant que le film de
Laugier, après une introduction prenante, peine sérieusement à démarrer ; et le spectateur devra attendre la moitié de l’œuvre pour trouver un tant soit peu d’intérêt et de fraîcheur au récit. Mais, à nouveau,
Laugier s’investit tellement peu dans son approche visuelle que la souffrance éprouvée par la protagoniste nous laisse de marbre au lieu d’être insoutenable.
Pour compenser ces faiblesses dans la mise en scène et l’écriture,
Pascal Laugier ne peut malheureusement pas compter sur ses comédiens ou ses compositeurs. Si aucun doute n’est permis quant à l’excellence de la performance de
Morjana Alaoui (correcte dans la première partie, l’actrice se révèle tout bonnement sidérante dans la seconde moitié), l’ensemble du casting qui l’accompagne ne fait guère d’étincelles. Bien que convenable,
Mylène Jampanoï reste en surface du personnage de Lucie.
Catherine Béguin expose un jeu trop théâtral pour coller à la peau de Mademoiselle.
Patricia Tulasne et
Robert Toupin (le couple de bourreaux) ainsi que
Xavier Dolan-Tadros (le fils du couple) font preuve d’une interprétation juste recevable. Et la jeune
Juliette Gosselin (la fille du couple, donc) surenchérit tellement sa participation que la moindre de ses répliques sonne terriblement faux. Seules les interprètes de Lucie enfant réussissent à donner le change, en insufflant au personnage autant de terreur que d’authenticité.
En ce qui concerne le score du film maintenant, l’amateurisme de
Willie et
Alex Cortés est si flagrant que
Martyrs pâtit de la majorité de leurs interventions. Oscillant entre des thèmes ronflants (plus proches d’une série B d’action que d’un film de genre) et des partitions faussement mélodieuses (qui doivent beaucoup au
Hostel : Chapitre II de
Nathan Barr), les deux compositeurs ne prennent jamais le risque d’afficher leur propre savoir-faire. Pensant accoucher d’une bande-son expérimentale, ils aboutissent en réalité à un score en désaccord avec le visuel de Pascal Laugier. Ce qui contrecarre un peu plus l’investissement du spectateur et l’appréciation du film. Alors oui,
Martyrs aurait pu constituer une œuvre dérangeante, novatrice, inédite et viscérale – tout comme
Massacre à la Tronçonneuse en son temps – mais, pour cela, le métrage de
Pascal Laugier arrive trop tard sur le marché du cinéma de genre. Des sagas comme
Hostel ou
SAW nous ont déjà habitués à un rendu plus stylisé et surtout plus intense. Et dire que certains osent parler de « chef-d’œuvre » ou de « film parfait »…
Martyrs est loin, très loin de tout cela. Et il faudra attendre encore un peu avant que le genre horrifique français ne surprenne son audience.
NOTE : 12.5/20