Freddy 7 : Freddy Sort de la Nuit (1994)
(Wes Craven’s New Nightmare) Écrit & Réalisé par
Wes CravenMusique de
J. Peter RobinsonAvec
Robert Englund, Heather Langenkamp, Miko Hughes, David Newsom, Tracy Middendorf, John Saxon, Fran BennettIl est rare qu’un cinéaste reprenne le flambeau d’une saga qu’il a lui-même initiée. Et lorsqu’un tel phénomène se produit, inutile de préciser qu’il tend à marquer les esprits. Si l’on peut toujours espérer le retour de
John Carpenter à
Halloween, de
Sean Cunningham ou
Steve Miner à
Vendredi 13, et de
Tobe Hooper à
Massacre À La Tronçonneuse (quoique…),
Wes Craven, lui, ne s’est pas fait attendre en livrant son « nouveau cauchemar ». Loin de pondre une copie mercantile des opus précédents,
Craven signe non seulement le meilleur épisode de la saga mais également ce qui constitue sans conteste son œuvre la plus aboutie. Mêlant en permanence réalité et fiction – jusqu’à ce que cette dernière prenne le pas sur la première –,
Wes Craven dépeint un simulacre somptueux gravitant autour de Freddy Krueger, son univers imaginaire et ses répercussions sur la société hollywoodienne. Dans cette histoire, l’actrice
Heather Langenkamp (soit la Nancy Thompson des volumes 1 et 3) et sa petite famille sont harcelées par un fan du tueur aux griffes. Mais, peu à peu,
Heather réalise que le fan en question n’est autre que Freddy lui-même, entité fictionnelle cherchant à rejoindre le monde bien réel. Bourré de clins d’œil au volet original (le retour à Elm Street, les extraits du film à la Télé, l’enfoncement dans les marches de l’escalier, la thématique du feu),
Freddy Sort de la Nuit nous plonge directement dans la vision (complexe et torturée) de son créateur. Où l’artiste, dépassé par son œuvre, finit par se faire dévorer par sa propre imagination.
Aussi chiadé et marginal soit-il, un tel projet ne pouvait évidemment pas s’extraire de quelques maladresses. À force d’encenser
A Nightmare on Elm Street, de se mettre lui-même en scène ou de s’impliquer indirectement dans l’histoire,
Wes Craven a tendance à se regarder filmer à tout bout de champ. Un narcissisme qui agace autant qu’il fascine par tant de culot. De même, le scénario atypique qu’il développe accuse de sérieuses imperfections. Telles que ce développement inégal, manquant parfois de cohérence (vu le nombre de somnifères qu’
Heather gobe en fin de métrage, elle aurait dû finir dans le coma !), se concentrant massivement sur les rapports entre
Heather et son fils (à tel point qu’ils deviennent gonflants sur le long terme), au détriment de scènes qui auraient pu se révéler cruciales (une confrontation entre Freddy et
Robert Englund, ou entre Krueger et
Wes Craven, par exemple). Ou encore ce final grand-guignolesque, faisant perdre au
boogeyman la terreur qu’il suscitait jusqu’alors, et le hissant inutilement au rang de Diable.
Toutefois, il suffit de prêter attention à la mise en scène infaillible de
Craven – dont la puissance est décuplée par des mouvements fluides, et le réalisme par des plans-séquences filmés caméra à l’épaule – pour faire de ces défauts des détails insignifiants. Surtout lorsque le réalisateur arpente l’envers de ses propres décors (sa résidence, les couloirs de la
New Line Cinema, les studios californiens…) ou nous convie à des
guests savoureux. Outre la performance bougrement mature et naturelle d’
Heather Langenkamp et la prestation convenable du jeune
Miko Hughes,
Freddy 7 prend le temps d’inclure
John Saxon, Nick Corri, Tuesday Knight, Robert Shaye (fidèle producteur de la saga) et
Wes Craven en personne, dans son casting. Autre point fort de l’œuvre : le score de
J. Peter Robinson. Bien que ce dernier verse occasionnellement dans des thèmes aventuriers moyens, l’ensemble prend l’allure d’une bande-son magistrale, trouvant une parfaite harmonie entre chœurs enivrants, mélodies horrifiques et thèmes à suspense tonitruants.
Avec
Freddy Sort de la Nuit,
Wes Craven clôt (provisoirement) une série qu’il a créée 10 ans plus tôt. Raccordant ses deux extrêmes comme si aucune suite n’avait vu le jour entre 1984 et 1994. Bien plus créatif et plus poussé que n’importe quel autre opus, ce 7e chapitre redonne ses lettres de noblesse à une saga en perdition. Désormais, nous n’avons plus qu’à attendre une préquelle digne de nom, ou souhaiter à
Wes Craven de faire de nouveaux cauchemars…
Note : 14.5/20Un homme de goût ce Wes Craven
, je vous le dis !