Shutter Island (2010)

Dès les premières notes, Martin Scorsese donne le ton : le score de Shutter Island n’aura rien d’un accompagnement classique, optant ici avant tout pour une musique d’ambiance déstabilisante et inconfortable au possible.

Si certaines partitions trop effacées n’ont pas vocation à être écoutées mais à simplement accompagner le film (Fog Tropes, Music for Marcel Duchamp, Rothko Chapel 2, Cry, Uaxuctum, The Bay…), d’autres affichent clairement leur volonté d’installer le spectateur dans un profond malaise. En particulier, le vrombissant, tonitruant et somptueux Passacaglia (thème inoubliable du film) ; l’atmosphérique Lizard Point ; les cordes folles de Four Hymns ; le serment interminable, confus et irritant de Christian Zeal and Activity ― dont les allers-retours illustrent assez bien ce qu’est le délire psychotique ― ; Root of an Unfocus, dont les notes hachées ont tôt fait de vous mettre les nerfs en pelote ; ou encore le terrifiant Hommage à John Cage, dont les sons parasites feront chier dans son froc n’importe quel auditeur ayant eu la fâcheuse idée d’écouter ce score dans le noir le plus total !

À quelques exceptions près (la sublime poésie de On the Nature of Daylight, le Quartet final et ses airs aussi uchroniques que somptueux), le score de Shutter Island est donc fait pour décontenancer son spectateur et renonce à emprunter des sentiers battus. Dès lors, l’erreur serait d’écouter cet album pour en apprécier la musicalité au lieu de se laisser emporter par Martin Scorsese dans les méandres de la folie.