Voodoo Man (1944)

Au regard de la carrière de Bela Lugosi, de mauvaises langues se sont plues à reprocher à l’acteur d’avoir sans cesse incarné les mêmes rôles : des méchants, généralement fous, fronçant les sourcils, faisant les gros yeux face à la caméra, hypnotisant et capturant de jeunes donzelles (blondes, de préférence), et finissant toujours par être abattus par de beaux et vigoureux héros masculins… Voodoo Man devrait permettre de tordre le cou à toutes ces inepties et de fermer le clapet à tous ces vils racontars. La preuve avec cette histoire dans laquelle Bela Lugosi campe un docteur fou, qui fronce les sourcils… Qui fait les gros yeux face à la caméra, hypnotise et capture de jeunes femmes dans un dessein malveillant (ressusciter sa défunte femme)… Et qui finit par se faire abattre d’un coup de revolver — soit exactement de la même manière et dans les mêmes circonstances que dans The Mysterious Mr Wong — par le beau et courageux héros de l’histoire…

Bon, très bien, Voodoo Man n’est finalement pas l’œuvre la plus originale dans laquelle Lugosi a pu jouer. Ni la plus réussie, d’ailleurs, si l’on en juge par la qualité des dialogues et de l’enchaînement de l’histoire : lorsque Stella, la jeune femme encore sous l’emprise mentale du Dr Marlowe, revient chez elle, sa famille ne montre pas le moindre signe d’inquiétude en la découvrant dans cet état catatonique ; et lorsque le Dr Marlowe se rend chez ladite famille pour examiner Stella, sans que quiconque l’ait prévenu ni même connu auparavant, il ne vient pas à l’esprit de la famille ou du shérif (alors sur place) de demander au médecin comment il a appris la nouvelle…
En bref, Robert Charles semble prêter une attention bien maigre aux incohérences et raccourcis de son scénario. Ce qui n’aide évidemment pas le spectateur à passer outre le jeu catastrophique des « acteurs », allant de la diction tantôt mécanique tantôt exagérée — mais toujours maladroite ! — du jeune John Carradine, aux prestations surenchéries du reste de la troupe (Henry Hall, Dan White, Mary Currier en tête de file).

Au final, bien peu de choses permettent au film de William Beaudine de sortir de la panade, si ce n’est un humour sous-jacent — mais parfois involontaire — fonctionnant par intermittence, ainsi qu’une histoire qui se suit sans trop d’ennui (grâce à une bonne dose de second degré !) et se clôt sur une note comique : le héros qui a vécu tous ces événements et qui en a pondu un scénario imagine bien son méchant incarné par… Bela Lugosi ! Il en faudrait hélas davantage pour faire de ce Voodoo Man une œuvre majeure dans la carrière de l’acteur…