TAXIDERMIE
(Taxidermia) – 2006 INTERDIT AUX MOINS DE 16 ANSRéalisé par
György PálfiÉcrit par
György Pálfi & Zsófia RuttkayMusique d’
Amon Tobin & Albert MarkosAvec
Csaba Czene, Istvan Gyuricza, Piroska Molnár, Gergely Trócsányi, Adél Stanczel, Zóltan Koppány, Gabor Mate, Marc BischoffS’il se révèle imparfait et manque de dynamisme à certains endroits, il ne fait aucun doute que
Taxidermie s’impose comme l’un des meilleurs OVNI cinématographiques de ces dernières années. Situé en Hongrie à 3 époques différentes, ce film d’auteur déjanté nous dépeint le quotidien fauché d’une même lignée.
Le premier segment introduit l’histoire de Morosgoványi, un soldat pervers aux ordres du général et de sa petite famille du temps de la Seconde Guerre Mondiale. Accablé par la solitude et le rejet de tous, Morosgoványi s’enfonce dans ses fantasmes les plus sordides.
Bien que
György Pálfi décrive plutôt bien la grande détresse du personnage principal, cette première partie sombre vite dans le porno
softcore et malsain. On se serait passé volontiers de ces scènes de masturbation, d’éjaculation et de pénétration vaginale. Restent des passages tordants (Morosgoványi baisant une truie éviscérée en pensant à la maîtresse de maison, ou se faisant picorer le gland par un coq intrigué), des acteurs au jeu sans faille, ainsi qu’une putain de réalisation composée de mouvements de caméra chiadés (le contour de la baignoire), de prises de vue toutes plus inventives les unes que les autres, et d’une photographie soignée.
La seconde histoire se déroule des dizaines d’années plus tard. Le fils du général soviétique, Kálmán Balathony, est devenu un grand compétiteur culinaire. Le but de ses compétitions : ingurgiter d’énormes quantités de bouffe le plus vite possible. Son obstination à vouloir aller toujours plus loin, afin de gagner le cœur de sa dulcinée – une ancienne championne de la catégorie Viande –, le mettra vite en danger…
Non contents de nous immiscer avec brio dans l’univers mi-fictif mi-réel des compétitions culinaires,
Pálfi et
Ruttkay retranscrivent admirablement, en sus, le quotidien miséreux et conditionné des petites gens à l’époque de la Guerre Froide. Desservi par des acteurs touchants par tant de naturel, et couronné par une réalisation aussi ingénieuse que jouissive, ce deuxième segment est un bel hommage à la Hongrie pauvre d’antan.
La dernière partie de
Taxidermie se situe à notre époque. Le fils de Kálmán Balathony, Lajos, est devenu un taxidermiste chétif, replié sur lui-même, que la vie de tous les jours referme un peu plus. Ignoré par sa caissière favorite, contraint de s’occuper de son père – devenu une masse graisseuse de plusieurs centaines de kilos – et de ses chats – « entraînés » à manger gras pour la compétition –, le jeune homme compense sa solitude par une obsession pour la taxidermie de plus en plus prégnante.
Bien que la réalisation couillue de
György Pálfi se fasse plus discrète (on décèlera tout de même une photographie sublime ainsi que des prises de vue intelligemment calculées), ce 3e morceau saupoudre
Taxidermie d’un soupçon d’humour noir (le père ventripotent), de gore (l’empaillage du père et du fils), tout en continuant de dresser le portrait des petites gens de ce monde. Grâce à un faciès troublant et à un charisme imposant,
Marc Bischoff crève l’écran d’entrée de jeu et fait de ce dernier segment le plus intéressant du métrage.
En définitive,
Taxidermie a beau ne pas captiver à chaque moment et accuser une première partie assez mal développée, le métrage de
György Pálfi mérite que l’on y accorde un peu de notre temps, ne serait-ce que pour l’univers loufoque mais attachant qu’il dépeint, ou pour la réalisation dantesque et inégalée dont il fait preuve.
Note : 14.5/20