ABANDONNÉE
(The Abandoned – 2006) INTERDIT AUX MOINS DE 12 ANSRéalisé par
Nacho CerdáÉcrit par
Nacho Cerdá, Karim Hussain & Richard StanleyMusique d’
Alfons CondeAvec
Anastasia Hille, Karel Roden, Carlos Reg, Valentin Ganev, Kalin Arsov, Valentin Goshev, Jordanka Angelova, Paraskeva Djukelova, Anna Panayotova, Svetlana SmolevaAbandonnée à la naissance par ses parents, Marie décide 40 ans plus tard de retourner sur les terres de ses ancêtres, en Russie, pour tenter de découvrir ce qui est arrivé à sa famille. Sur place, est-ce le hasard ou le destin si Marie retrouve Nikolaï, son frère jumeau ? Si la maison de leurs parents semble peu à peu reprendre vie ? Ou encore si les jumeaux sont pourchassés par leurs doubles, des entités cadavériques surgissant d’un autre temps, d’une autre réalité ? Voilà un résumé qui retranscrit succinctement toute l’ambiguïté du métrage de
Nacho Cerdá !
The Abandoned est-il un précurseur du genre, un chef-d’œuvre incompris ? Ou s’agit-il, à l’inverse, de l’archétype même du scénario chaotique, faisant reposer toutes ses incohérences et facilités sur l’aspect surnaturel de son histoire ? On est en droit de se poser la question au vu du résultat final : une œuvre nihiliste, hybride (à mi-chemin entre le film d’auteur et la bande horrifique), qui préfère explorer les angoisses archaïques, viscérales de ses personnages que s’attarder sur des peurs plus conventionnelles. Il en résulte un ouvrage terrifiant, aliénant, aussi enivrant que repoussant. Mais dont l’absence de logique conduit le spectateur à décrocher à mi-parcours.
En effet, s’il paraît salutaire et appréciable que
Nacho Cerdá aborde des thématiques plus sensitives, moins structurées que le cinéma de genre véhicule de coutume, il est préjudiciable que le public – complètement largué face à l’évolution des protagonistes et au développement (éclaté) du récit – assiste passivement à la seconde moitié du film. Est-ce donc un écueil imposant ou un tour de force que d’« abandonner » l’audience à son seul ressenti, sans repère ni cohérence scénaristique ni l’once d’une explication (même extravagante !) de ce qui s’offre à ses yeux ? Difficile à déterminer...
Quoi qu’il en soit, notre appréciation de l’œuvre globale s’en trouve irrémédiablement handicapée. Bien heureusement, ce scénario à double tranchant ne constitue pas l’unique point fort (faible ?) d’
Abandonnée. En particulier, il convient de souligner la majesté du travail opéré par
Nacho Cerdá. Si l’on retrouve avec un plaisir coupable ses penchants pour le gore jusqu’au-boutiste (cf.
Aftermath), le réalisateur témoigne aussi d’une direction d’acteurs et d’une mise en scène parfaitement calibrées, dont l’instabilité et la vivacité de la caméra à l’épaule traduisent à merveille la déchéance vécue de plein fouet par les protagonistes. Un point amplifié par les nombreux plans-séquence (immersifs et troublants) qui parsèment l’ouvrage et qui forcent l’admiration du spectateur (mention spéciale à la scène suivant la disparition de Nikolaï dans les combles de la maison). Loin de s’en remettre à son seul talent,
Nacho Cerdá se trouve conforté par une excellente équipe technique. Du compositeur
Alfons Conde, dont chaque partition accentue le malaise émanant de la pellicule ; aux responsables artistiques
Rossitsa Bakeva, Baltasar Gallart et
Tzvetana Yankova, dont les décors (répugnants et glauques à souhait) contribuent largement à l’impact horrifique de l’ouvrage ; en passant par les acteurs principaux
Anastasia Hille (Marie) et
Karel Roden (Nikolaï), dont la performance naturelle convainc d’emblée.
Au final, si l’on ne sait trop quoi penser d’
Abandonnée, une chose est sûre :
Nacho Cerdá et ses acolytes ont réussi un exploit de taille en semant la confusion dans l’esprit du public. Et c’est peut-être là toute la subtilité et toute la réussite de ce film : dérouter le spectateur jusqu’à lui faire perdre tous ses repères ! Toutefois, il paraît ardu de savourer pleinement l’ouvrage au vu de la complexité abusive du dernier acte. Et ce, en dépit des passages éprouvants (l’infanticide, le gueuleton des sangliers) dont il témoigne.
NOTE : 12.5/20
Un hommage au
Shining de
Stanley Kubrick ?