Étrangement paru au moment où
The Expendables pointait le bout de son nez en salles, le
Director’s Cut de
John Rambo — retitré à tort
Extended Cut outre-Atlantique (il ne s'agit pas vraiment d'une version longue !) — ne pouvait qu’attiser la curiosité du fan du
revival de
Sylvester Stallone, espérant notamment y découvrir une œuvre encore plus gore et plus osée que le film de 2007. Pas de bol, c’est exactement le chemin inverse qu’a emprunté
Stallone pour cette nouvelle mouture, le réalisateur ayant clairement voulu se débarrasser d’éléments jugés superflus (comprenez les plans gore et les séquences difficiles) pour se concentrer sur la relation affective entre John et Sarah, la missionnaire.
Petit détour par les changements de ce
Director’s Cut :
D’entrée de jeu,
Stallone décide d’asseoir son nouveau montage non pas sur les effets-choc mais sur la force de ses personnages. Ainsi, après son prologue (utilisant des images d’archives pour illustrer les atrocités commises en Birmanie), John Rambo ne s’ouvre plus sur le « jeu » consistant à faire traverser aux prisonniers birmans un marais rempli de mines (
1) mais sur le quotidien de Rambo (
2,3). Ce quotidien s’agrémente d’ailleurs de quelques plans supplémentaires puisque l’on voit John attraper un second serpent (
4) et ses deux acolytes jouer, une fois sur le bateau, avec les reptiles qu’ils ont capturés (5,6). Quant au massacre des prisonniers cité plus haut, il n’intervient qu’après le premier échange entre John et Sarah.
Et des échanges entre les protagonistes, il y en aura tout un paquet dans ce
Director’s Cut. Sarah revient à la charge lorsque John se trouve dans son atelier, réparant l’hélice de son bateau (
7), afin de l’interroger sur l’état de ses convictions religieuses et humanistes (
8). La nuit venue, après l’attaque du village birman — qui se trouve amputé de plusieurs plans violents (
9) —, Sarah attend John sur son bateau et recommence à l’interroger sur ses valeurs et sur sa décision de ne pas les aider (
10). Cette conversation se révèle alors ici plus longue, Rambo en profitant pour dénoncer à Sarah (et à son public) la vocation des êtres humains pour faire le mal et s’autodétruire. Comme dans la version cinéma, la scène se poursuit hors du bateau, alors que la pluie bat son plein (
11), à la différence près que Sarah insiste un peu plus sur sa foi inébranlable, sur son désir d’aider les populations dans le besoin, et que John semble affecté par les propos de la jeune femme, allant même jusqu’à lui confirmer qu’il les conduira finalement en Birmanie.
Un autre changement majeur intervient lorsque Rambo et les missionnaires se font attaquer par les pirates. Agrémentée de deux plans additionnels, insistant sur la détresse de Sarah et sur la volonté de Rambo de la protéger, la scène se refuse à tout débordement gore. Elle se clôture ainsi sur la mise à mort du dernier pirate, abattu d’un seul tir dans la tête, en plan large (
12), là où le montage cinéma montrait plusieurs coups de feu en plein cadre (
13).
Après que Rambo ait débarqué ses passagers en Birmanie, il observe mal à l’aise et inquiet (
14) Sarah s’enfoncer dans la jungle (
15). Encore une fois, le réalisateur cherche à souligner le lien platonique mais non moins sentimental qui mêle les deux protagonistes.
La scène suivante rappelle quant à elle qu’un montage peut changer tout le sens d’une séquence. Ainsi, au moment où il approche du bateau des pirates qu’il a abattus, Rambo sort son couteau à la vue de son assistant (
16). Alors que la version en salles exposait la noirceur du personnage, laissant parler ses pulsions destructrices, ce nouveau montage donne une tournure biblique au « nettoyage » du bateau. De fait, l’ensemble de la séquence est traversé de flashes-back (
17,18) qui rappellent au protagoniste les exactions qu’il vient de commettre. Dès lors, ce n’est plus une machine de guerre insensible qui met feu au bateau, mais un être torturé, mû par le regret et la souffrance, tentant clairement de laver ses péchés par l’essence et la fumée. Suivant cette logique, la scène où Rambo manipule le chapelet que Sarah lui a donné est elle aussi mêlée à un flash-back de la jeune femme, interrogeant John sur ses convictions (
19).
Lorsque le village où les missionnaires se sont installés est attaqué, c’est à nouveau un montage censuré de ses plans les plus difficiles (
20,21) que
Stallone nous réserve. Si l’on peut regretter une telle censure, force est de reconnaître que la séquence gagne en efficacité, via un enchaînement plus nerveux, plus concis. À l’inverse, lorsque l’on découvre les conditions dans lesquelles les missionnaires sont faits prisonniers, le
Director’s Cut fait un détour par la « formation » des jeunes recrues de l’armée birmane (
22), n’ayant d’autre choix que d’obéir si elles ne veulent pas périr sous les coups.
Plus loin, la visite que le prêtre rend à Rambo (
23) prend plus d’importance, que ce soit temporellement ou symboliquement. Ainsi, John ne se contente plus de savoir quand les mercenaires doivent partir, il demande ouvertement au Père de prier pour les otages (
24). Dès lors, la scène où Rambo se confectionne une machette ne s’accompagne plus d’un monologue intérieur, tournant autour de la guerre et de l’appel du sang, mais de la prière du prêtre, étayant un peu plus la tournure biblique prise par ce
Director’s Cut. Et, là où la version cinéma s’ensuivait directement de la rencontre avec les mercenaires, ce nouveau montage réintroduit le prêtre au moment du départ de Thaïlande (
25 à
29).
Respectant la ligne directrice évoquée plus haut, la découverte du village où séjournaient les missionnaires est amputée de quelques plans et est ainsi légèrement raccourcie. Le reste de la séquence reste quant à lui inchangé : Rambo menace le chef des mercenaires et demande à son guide s’il connaît les environs (
30).
Des ajouts surviennent lors de l’extraction des prisonniers du camp militaire. Alors que Rambo veut secourir Sarah, il est interrompu par le chef des mercenaires (
31), qui lui dit qu’il faut partir maintenant (
32) mais Rambo soutient qu’il ne quittera pas les lieux sans Sarah (
33). Cet ajout peut sembler superflu, il appuiera toutefois les propos du mercenaire lorsqu’il affirme à ses troupes, quelques minutes plus tard, qu’il faut partir et que Rambo a « fait son choix », au grand dam de l’Écolier.
Sans surprise, la scène où Rambo broie la gorge d’un officier (
34) est raccourcie (bien qu'elle conserve la majorité des plans gore de la séquence).
Au moment où l’Écolier abat les deux gardes qui étaient sur le point de tirer sur Sarah et John, à la sortie du camp, la scène ne se clôt plus sur le sniper américain, refermant l’écoutille de son viseur, mais sur un bref échange entre Sarah, John et l’Écolier (
35), ce dernier résumant aux autres où sont partis les mercenaires et les prisonniers (
36).
Rappelant non seulement le sous-texte biblique de l’œuvre et la relation intime entre Sarah et John, une scène supplémentaire intervient juste avant que le chef des mercenaires ne marche sur une mine. John constate que Sarah s’est blessée le pied (
37). Puis, dans une parabole à la fois sensuelle et symbolique du bain christique, John lave le pied de Sarah — voilà qui aurait plu à
Quentin Tarantino ! — afin de nettoyer la plaie.
Mais, au sein de ce
Director’s Cut, s’il y a bien une scène qui risque de fâcher les fans de la version vue en salles, c’est bien celle du carnage final. Certes, la majorité des plans a été conservée, et l’ensemble demeure aussi sanglant que violent, mais force est de constater que plusieurs plans ont disparu. Ainsi, entre autres exemples :
Stallone fixe en un seul plan le criblage de balles du conducteur de la jeep, là où le montage cinéma se montrait plus démonstratif (
38). Après que Michael, le missionnaire, ait frappé à mort un militaire à coups de pierre, le plan d’insert du mort (
39) a disparu. Le tir en pleine tête que reçoit le lanceur de flammes du bateau est plus court, moins explicite que celui vu en salles (
40). Autre exemple, le duel ultime entre le chef des militaires et Rambo (
41) est essuyé à la va-vite, même si la plupart des plans sanglant ont été conservés.
Enfin, dernière modification majeure, cette scène de carnage ne se clôt plus sur le visage amer de Rambo, observant en silence Sarah, qui pleure à la vue du champ de bataille. Ici, John et Sarah se saluent (
42,43), comme si ce périple avait permis à chacun d’apprendre quelque chose — alors que le montage cinéma sous-entendait plutôt que seule Sarah devait retenir une leçon de cette expérience. Ayant dit adieu à Sarah — et, peut-on le supposer, à la guerre —, Rambo s’éloigne du champ de bataille (
44), un plan inédit qui servira de transition avec la scène finale, où l’on voit Rambo venir d’une « longue route » hautement symbolique…
Pour faire court...En conclusion, ce
Director’s Cut apporte un nouveau regard sur l’œuvre de
Sylvester Stallone. Est-il convaincant ? Oui et non. Oui, car le réalisateur confère une véritable profondeur et un tout autre sens à son métrage, se détachant ouvertement de la série B crétine pour s’atteler à une histoire d’amour impossible. Non, car ce nouveau montage est plombé par des scènes d’exposition en surnombre, dont le sous-texte chrétien (et cucul la praline) agace sérieusement, surtout quand il sert à supprimer les plans gore, violents ou difficiles qui faisaient toute la force et toute la noirceur du
John Rambo découvert en salles.
Pour ce qui est du Blu-Ray...À la question : est-il utile de se procurer ce
Director’s Cut ? On serait tenté de répondre
NON, dans la mesure où la qualité d’image est la même (une superbe qualité d'image, ceci étant dit), et dans la mesure où la plupart des scènes supplémentaires ou alternatives sont disponibles sur la première édition du DVD Collector et du Blu-Ray. Inversement, dans cette édition Director's Cut, les plans gore de la version cinéma ne sont pas accessibles, il vous faudra donc obligatoirement repasser par la première édition du film pour les découvrir. Par conséquent, il aurait été plus judicieux de proposer ce nouveau montage dans la première collection.
Toutefois, ceux qui préfèrent la profondeur à la boucherie seront évidemment davantage conquis par ce
Director’s Cut. Qui plus est, cette nouvelle édition compte un documentaire inédit intitulé
Rambo : To Hell And Back, d’une durée de 83 minutes 30, véritable journal de bord du réalisateur sur les péripéties rencontrées lors du tournage (sauvage) de son film. En outre, les francophones seront ravis d’apprendre que cette nouvelle galette Blu-Ray propose une piste française en
DTS HD Master 5.1, couvrant également les scènes supplémentaires de ce
Director’s Cut, là où la précédente édition se contentait d’une VF en
DTS HD.
En somme, l’utilité de ce nouveau Blu-Ray est une question de point de vue. Personnellement, je conseillerai à ceux qui possèdent la précédente édition de s’en contenter et de garder leur argent ou de passer par la location pour découvrir ce nouveau montage. Pour les fous qui ne se seraient pas encore procurés le 4
e Rambo, il faudra choisir votre camp entre le film de guerre ultra violent et jusqu’au-boutiste, et l’histoire d’amour sur fond de bataille sanglante. À vous de voir.